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Frisson
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13 décembre 2006

Obligations

Voyage obligé du mercredi matin, moment douloureux où la porte se referme sur un habitacle vide et inerte, elle ne voulait pas sortir, ses larmes de ce matin étaient de vrais sanglots, pourquoi on ne peut pas rester ensemble ce matin, dis papa, ses yeux mouillés suppliaient en se plissant, pourquoi on ne peut pas aller se promener main dans la main, aller donner du pain aux canards, choisir soigneusement des cailloux avant de les jeter dans l'eau, laisser des traces de pas dans les premières neiges craquantes sous le ciel blanchi par cet espèce de coton translucide et gelé, puis on rentrerait en riant et en se frottant les mains près du radiateur pendant que de la cuisine s'échapperait cette subtile odeur de casserole chaude qui présagerait de la sensation si familière d'une tasse de chocolat entre nos mains, je lui ai dit que je ne savais pas, je n'avais rien à lui répondre qui ait véritablement de sens, je lui ai dit que je devais, et elle m'a sauté dans les bras en étouffant ses larmes dans mon épaule, et cette humidité toute fine et froide sur mon cou m'a tellement glacé le sang, que le volume élevé de la musique et l'air tiède sortant des bouches de ventilation n'ont pas suffi pas à me réchauffer, les champs et les arbres givrés glissaient sur mes flancs de métal bleu et brillant, je suis passé devant eux comme tous ces hommes blasés, trois secondes pour cet arbre qui a mis des mois à se parer de la rosée rendue brillante par une aube glacée, fragilité, éphémérité, délicatesse, pour quels yeux, pour quelle âme, ces moments sont des merveilles ineffables devant lesquelles les hommes ne tournent plus un cil, ne sont-ils pas attendus en ville pour aller taper sur des écrans des choses si importantes qu'elles disparaîtront aussi vite que les centaines de francs du compte de leur patron quand celui-ci fera le plein de sa berline, j'aimerais m'arrêter, descendre pour au moins prendre une photographie, témoignage rudimentaire de ce matin cristallin, petite consolation mensongère d'une beauté à côté de laquelle on passera définitivement, mais les routes sont si bien conçues qu'on ne peut pas s'arrêter, ça presse derrière, ça colle de près, il faut rouler, rouler encore pour atteindre ce parking à l'entrée duquel il faudra prendre un ticket pour avoir enfin le droit de tourner sa clé de contact en position off, et pleurer discrètement, la tête entre ses mains.

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