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Frisson
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25 décembre 2006

Illumine

Le froid était si mordant que je sentais mon ventre se crisper, je me retrouvais au milieu de cette route entre deux flots bruyants de voitures à attendre un tram qui se laissait désirer, il faisait nuit, j'avais encore la ville à traverser, le travail venait de me lâcher après m'avoir essoré comme une éponge, je restais debout, les yeux dans le vague, je tentais de remettre de l'ordre dans mon esprit dans lequel tout se trouvait emmêlé comme une pelote de laine après être passée entre les pattes d'un chat, je repensais aux premiers mots du dernier message de la journée (Je n'osais pas te le dire mais moi, je t'emmène un peu avec moi en vacances), je me demandais ce que j'allais en faire, les oublier, les mettre de côté, me les répéter pour me nourrir de leur douceur, ou alors m'en faire des films, et puis le tram est arrivé avant que je trouve une réponse, ce qui était assez pour m'arranger.

J'allais m'avancer vers la portière la plus proche quand une fillette à trottinette est passée juste devant moi, elle m'a jeté un regard, droit dans mes rétines, un visage magnifique, une petite merveille sur roulettes, elle est montée avec son frère et son père, après nous être assis je les avais les trois en face de moi, et je les regardais tour à tour, discrètement, mais je n'arrivais pas à détacher mon attention de ces trois figures. Elle s'est mise à parler, je me suis mis à fondre, je regardais aussi les autres passagers dans le bus, ils commençaient à sourire, et son frère a aussi sorti des mots tout tendres, le père essayait de lire son bouquin mais il n'y avait pas moyen, les deux gamins parlaient, demandaient des réponses, il râlait un peu, le père, mais ses rejetons ne s'en formalisaient pas, ils ne voulaient pas se fondre dans le silence, ils continuaient de sortir des choses de plus en plus drôles, c'est alors j'ai vu une jeune fille qui les dévorait des yeux, brune, des cheveux mil-longs et lisses qui lui tombaient sur les tempes, elle était si proche d'eux, elle se penchait encore en avant comme pour capter tout ce qui émanait de ces deux petits êtres, les gens commençaient à rire franchement, à échanger des regards complices après tel mot délicieux, je regardais encore la jeune fille, les gens, les enfants, et je trouvais cette scène savoureuse, je me suis dit que ce noyau tout chaud que je sentais vibrer au fond de moi, c'était peut-être de l'amour, quelle bizarrerie, ce soir-là, dans ce wagon rempli d'inconnus, j'avais l'impression de les aimer tous, tout devenait léger, lumineux, coloré à cause de deux petites voix malicieuses et sans gêne.

Ils sont descendus très vite, je crois qu'il avait presque oublié de descendre, à force de vouloir absolument mettre son nez dans son livre, la fillette a pleuré en pensant qu'elle n'arriverait pas à sortir à temps pour le suivre, ses cris se sont étouffés en même temps que les portes se sont fermées, laissant le silence se rabattre sur les visages, la jeune fille s'est assise à leur place, a collé sa tempe contre la vitre, j'ai vu son regard suivre la trajectoire des objets dont on s'éloignait déjà rapidement, et au fond de ses yeux, quelque chose, que j'aurais bien voulu savoir lire, mais déjà il devenait opaque, et moi aussi je me refroidissais, sortant un livre de mon sac avant de me laisser aspirer par les visages redevenus très vite vides et blêmes.

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Commentaires
A
J'adore<br /> Merci
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