Miroir

Après la pluie, les pavés et les vieilles façades brillaient sous le soleil, me renvoyant comme un miroir l'agitation qui secouait mon esprit. Mes pas rapides sur le sol, le stromboscope des reflets et des jeux de lumière au-dessus des toits, tout semblait aligné sur la musique qui tournait dans ma tête, jusqu'aux gouttes ruisselant des gouttières semblables aux notes de clavecin s'échappant des nappes de cordes. Comme après chacune de mes visites à la bibliothèque, j'emportais comme un trésor les deux livres fraîchement acquis, renouvelant encore une fois l'univers de mes possibles, la découverte probable de nouvelles sensations, émotions, couleurs, senteurs, amours, points de vue décrits avec des mots que j'aurais rêvé de déposer moi-même sur une feuille blanche. Dans la descente abrupte menant à la place neuve, je ne manquais de remarquer la beauté des maisons et jardins centenaires, à l'abri du temps et de l'hiver, aussi soignés et harmonieux que les partitions du concerto de Bach auquel je pensais encore. Le contraste fut saisissant, opposé au désordre caractérisant mon existence.