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Frisson
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8 décembre 2006

Transhumance

Je ne regardais pas le ciel. Mais j'ai senti le moment où de son bleu froid et distant, il s'est empli d'un gris rond et plein, infiltrant partout sa lumière unie, diffuse, ouateuse, au point de rendre aveuglante la page sous mes yeux. Est venu un silence imposant, immobile, qui entoure tous les autres bruits comme des mouches prises dans la gelée, un silence qui isole, qui met à distance, dans lequel les mots n'émergent plus que par éclats, contenant dans leur propre expression la fatalité qu'ils vont finir et se fondre inévitablement au vide qui aspire tout.

Je monte dans le mini-bus, cueilli par un air froid et humide, et juste au-dessus de ma tête, le son minuscule des gouttes sur la carrosserie. Je replonge mon nez dans mon livre au moment où le véhicule démarre. Réminiscences. La complainte de l'essuie-glace, les changements de régime du moteur, les virages que l'on suit à défaut de pouvoir les anticiper, et ces longs instants où la conscience du monde extérieur s'évanouit, où l'on plonge entièrement dans le papier recouvert par l'ombre rayonnante des nuages pluvieux.

Je me retrouve vingt ans plus jeune, sur la banquette arrière de notre estafette familiale qui nous amenait aux quatre coins de l'Europe, absorbé dans un Pif Gadget ou autre Picsou magazine, quand ce n'était pas un volume de la bibliothèque rose. Je ressens à nouveau cette impression paisible mais intense d'apesanteur, parfaitement à l'aise dans ce pays qui n'appartient encore à personne, le voyage, qui éloigne de toutes les entraves et qui mène à une infinité de possibles, à commencer par un lit que l'on n'a encore jamais vu, mais que l'on sait d'avance chaud et réconfortant, meilleur que tous ceux que l'on a connu auparavant. Parce que l'on a confiance, parce que la route ne peut amener que là où elle finira par nous déposer.

Puis la musique des mots* vient me ravir à nouveau.

"Forte lune. Des parois de rocs noirs et rouges montaient par jets de trois cents mètres autour de nous. En renversant la tête, on voyait comme du fond d'un puits les hauteurs du Kuh-i-Baba mordre sur une margelle de ciel où les étoiles paraissaient respirer. Finalement, j'ai dû céder à l'engourdissement de cette nature hivernale. Je n'ai pas senti le camion repartir."

*L'Usage du monde, de Nicolas Bouvier.

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Commentaires
F
J'ai tourné lundi les dernières pages... Je devrais attaquer la descente de l'Inde et la suite avant la fin de l'année, je me réjouis d'en arriver au poisson scorpion. Bises
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F
mais tu vas finir par l'user le monde si tu continues ;)
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F
CarrieB > Oui, ça vient très vite, et il paraît qu'il y a même un moment où elles préfèrent lire seules...<br /> <br /> Stefie > Mille Pompons ! Fantômette ! Avec Boulotte et cette andouille de Ficelle... J'aimerais bien la retrouver en BD.
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S
que je voyageais... mais les sensations sont les mêmes, bercée par le tangage, et les heures de lectures... pour moi c'était Picsou Magazine et le Journal de Mickey, ou bien Fantomette... :)<br /> De temps en temps je relevais le nez, et je suivais le paysage... je le connaissais par coeur. <br /> <br /> C'est bon de se replonger dans ces souvenirs.
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C
Ouiiiiiiiiiii le club des 5! Et le chien Dagobert!<br /> J'en suis pas encore là avec la mienne mais ça viendra un jour...
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